dimanche 30 septembre 2012

LE POINT FINAL


12:44pm
Lutter en vain contre la dispersion et s'y vautrer ensuite. Copeaux épars des lettres et des mots. Sciures du temps qui passe. Et déchanter.

12:46pm
Revenir péniblement à ses moutons, avoir enfin de la suite dans les idées. Ne plus fuir la logique amère et les chronologies. Car enfin, c'e

12:47pm
st là la différence entre l'image et l'écrit. Cette lecture qui parcourt les lignes obligatoires. Première contrainte. Qu'elle soit, suivant

12:49pm
les langues, horizontale ou verticale, peu importe. Alors que l'oeil, sur l'image, vagabonde à son gré. Les peintres le savent, qui tentent

12:51pm
de guider l'oeil, par des astuces et ruses de lignes cachées, dites de composition, comme on dit d'une musique, comme on disait à l'école, p



12:52pm
our ces devoirs de français où on vous demandait innocemment de raconter vos dernières vacances. Comme si les vacances étaient toujours clai

12:54pm
res, limpides et sans désastres privés. Arrivée là, perdue, il faut que je relise le tout début, sachant simplement qu'il était question de

12:56pm
ce qui, ici, se met en acte : la tendance inexorable de mon être de langage - si c'était seulement de langage - à la dispersion. Suivre un p

12:58pm
lan, cette douleur. Prévoir le plan, organiser les séquences de sa vie et se soumettre à cette loi qu'on s'est donné soi-même. Comme si la l

1:00pm
oi qu'on se donnait, suscitait plus d'obéissance que des lois imposées par d'autres. Bâtir le plan de son œuvre. Et pourquoi ? Se soumettre.



1:02pm
On reproche en général, les errements et l'errance. On veut des territoires et des frontières jusque pour l'écriture. On borne et on limite.

1:03pm
On encadre, on quadrille comme on fait des cahiers où même si les lignes ne sont plus, la pensée installe leurs images mentales sur les feui

1:05pm
lles vierges encore. Le point est-il la borne ultime ?



1:14pm
Ensuite, on se pose la question suivante, le point de la fin est-il - de cet écrit - le point final. Que se passe-t-il en réalité après lui.



1:16pm
Une fois le livre fermé - lorsque livre il y avait - le livre est-il vraiment fini, ou bien se permet-il de se continuer dans l'esprit du le

1:18pm
cteur. On invente alors pour des élèves, ces cobayes de

tout temps des exercices : inventez donc une suite après ce point apparemment final,


1:19pm
et qui, pour le coup, ne le serait plus. Faites du point final de l'auteur, un point de suspension, un point virgule ou même une simple virg

1:21pm
ule. Et poursuivez, comme si le point final n'achevait rien. Niez que ce point marque une fin. Avouez que le point n'est pas une fin en soi.

1:24pm
Il est possible d'en contester la validité ou même le sens. On sait, depuis Saussure, l'arbitraire du signe. Le point, et le point final mal

1:26pm
gré l'évidence du sens qui s'y attache - celui de mettre fin justement - n'échappe pas à cette règle élémentaire de la linguistique moderne.

1:27pm
Le point est aussi arbitraire que tout autre signe de la langue. Le point est une invention relativement récente ainsi que cette espace qui

1:29pm
s'est imposée pour séparer astucieusement chaque mot de son précédent et de son prochain, séparant ainsi le parler ( qui a tendance à tout l

1:30pm
ier ) de l'écrit qui fait exactement le contraire. Avouez que, comme moi, vous avez encore égaré vos moutons. Il est donc temps de faire une



1:32pm
pause. Temps de s'interrompre et de reprendre dérechef, du début, de revenir sur ses pas, pour suivre le fil d'une pensée qu'on a peut- être

1:34pm
mais, est-ce si sûr, égarée. Rappelez moi, de quoi je vous parlais. Soyez aimable. Votre attention m'importe et m'aide à faire des liens qui

1:36pm
sans vous ne seraient plus depuis longtemps. Car, de fait, c'est peut-être - oui je doute- l'autre imaginaire ou réel, imaginaire et réel,

1:38pm
qui fait, dans le langage, la cohérence, la presque cohésion, de chacun. Jargonner seul est le risque. Se comprendre et ça suffit, la vraie

1:40pm
limite. En finir n'importe où, n'importe quand, n'importe comment. Mais que veut dire l'éternel inachevé... Sinon une multiplication de poin

1:43pm
ts finaux pas si malins que ça. Car, on le sait, la mort réduit, de fait, les points de suspension à leur plus simple expression, résolvant

1:45pm
ainsi, l'équation fatale et interrompant toute dispersion de langage pour commencer la dispersion des corps, dont elle est presque synonyme.

1:46pm
Titre ( le titre vient toujours à la fin ) Le point comme métaphore.



1:47pm
Le point final comme métaphore.


LB

PS  Ce texte a été écrit sur Twitter, entre 12h44 et 1h47, titre et rectification du titre compris. Chaque séquence comporte donc 140 caractères pile poil, les espaces en fin de mot comptant pour un, même s'ils sont en fin de séquence.Il s'agit, bien sûr, d'une mise en abime d'une réflexion sur Point, point final et Twittérature. Car qui nous oblige à terminer chaque séquence twittée par un point ? L'interruption de la séquence par des messages d'autres participants au fil ne devrait pas plus gêner que le journal télévisé ni les choses de la vie ne gênent au suivi d'un feuilleton. Nous devons donc supposer un lecteur ayant de la suite dans les idées. Seul le point situé en fin de séquence l'empêche de poursuivre l'idée portée par le texte. Car tout point en fin de séquence twittée, se transforme à notre insu et irrémédiablement en point final du tweet. Aussi, pour autoriser une lecture du fil de la pensée, il faut faire savoir au lecteur qu'il doit aller au delà de la fin de la séquence, comme en un (à suivre...). Voyez que nous n'inventons jamais rien. Nous adaptons. Il suffit, en conséquence, d'éviter ces points finaux systématiques et de couper les mots où il semble bon à la séquence twittée, c'est à dire au hasard (ou presque) du sacro-saint compte 140.

Chacun mesurera les avantages de cette méthode pour éviter le schisme qui se profile entre partisans d'une contrainte 140 pure et dure et ceux qui préfèrent se vautrer dans un peu plus de mollesse.

mardi 18 septembre 2012

LES DIRES. Série Numéro 1.


Dire que le monde est devenu si petit.
Dire que je suis seule.
Dire que le soleil brille.
Dire que la vie est courte.
Dire qu'il y a des trous noirs dans l'univers.

Dire que la mémoire flanche.
Dire que c'est ton anniversaire.
Dire que la poésie ne rime à rien.
Dire que tu es parti.
Dire que tu ne chanteras plus.


Dire à maman qu'elle revienne.
Dire que la terre court à sa perte.
Dire que je vis encore.
Dire que Paul Mac Cartney a soixante dix ans, plus la légion d'honneur.
Dire qu'un homme a marché sur la lune et puis, rien.

Dire que les objets sont autorisés à voyager bien plus que les hommes.
Dire que certains d'entre vous me reçoivent cinq sur cinq.
Dire que l'été vient de nous faire une fausse sortie.
Dire qu'il y a déjà tant de livres à lire.
Dire que l'amour nous aveugle.


Dire que l'amour illumine.
Dire qu'il vaudrait mieux se taire.
Dire qu'en lieu et place de petit vélo à guidon chromé, j'ai, au fond de mon couloir, un mini vélo noir pliant, guidon d'abord.
Dire qu'une nouvelle vie commence.
Dire qu'au train où vont les choses.


Dire qu'elle m'en veut à mort et que l'expression n'est pas outrepassée.
Dire que la pollution est longtemps invisible.
Dire que la vie est dans l'ensemble assez belle.
Dire qu'il vaudrait mieux tourner sept fois la langue dans sa bouche.
Dire qu'à la fois, la vie ne tient qu'à un fil et qu'elle est chevillée au corps.


Dire que les distances sont abolies et que le temps passé à tenter de franchir les frontières s'y substitue.
Dire que c'est la rentrée.
Dire que l'aube se lève et que le crépuscule point.
Dire que la parole est le mystère qui contient d'autres mystères.
Dire que la parole est un cadeau empoisonné, mais de qui ?

Dire qu'il faut savoir ce que parler veut dire.
Dire que dormir est ce moment où l'on échappe à soi-même.
Dire que l'écriture nous sauve du timbre de nos voix.
Dire que l'écriture met ma parole dans tes yeux.
Dire n'importe quoi.


Dire que naître soi est véritablement le seul miracle.
Dire que mon cœur bat.
Dire peines et joies.
Dire que l'infini est sans limite.
Dire que tu te tais.


Dire que malgré tout, je t'aime encore.
Dire que pourtant de l'eau a coulé sous les ponts.
Dire qu'après l'or, c'est l'argent qui nous gouverne.
Dire qu'elle aurait pu mourir.
Dire que la différence des sexes est, peut-être, le seul véritable mystère.


Dire peut-être.
Dire toujours ou jamais.
Dire encore.
Dire enfin tout ce qu'on a à dire.
Dire l'essentiel.


Dire le pire sans attendre le meilleur.
Dire que la contrainte décale un peu la langue.
Dire que la contrainte fait décoller la langue.
Dire que la contrainte nous exile de la langue journalière.
Dire que la contrainte nous permet de chercher d'autres dires.

Dire que j'ai tout perdu.
Dire que l'injustice gouverne le monde.
Dire que les passions nous égarent. Il faut dire qu'elles nous guident.
Dire que j'en rêvais.
Dire que les passions nous guident dans nos égarements.

Dire qu'un fou chasse l'autre.

LB